Témoignage à l’occasion du jubilé 2000
Chrétien homosexuel et séropositif, j’ai participé de 94 à 98 à l’aventure de Sida Espérance Lumière, groupe nantais de prière et de partage spirituel réunissant des personnes touchées par le virus du sida, soit pour eux-mêmes ou pour un proche.
Nos veillées de témoignage en paroisses ont contribué à changer le regard des chrétiens sur cette maladie et les modes de vie qui, à l’époque, y étaient associés (drogue, homosexualité).
L’Eglise de Nantes, en la personne son premier responsable, le Père Marcus, puis le Père Soubrier, nous a soutenus et défendus avec parfois beaucoup de courage, en présidant nos veillées, dînant à notre table et donnant nos témoignages en exemple de foi en un Dieu de tendresse et d’amour.
Mon engagement dans ce groupe m’a apporté force et consolation dans l’épreuve que j’avais à traverser alors : décès de mon ami et angoisse quotidienne de la maladie et de la mort pour moi-même. J’y ai vécu très concrètement et jusque dans la chair ces paroles du Christ : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11, 28).
Aujourd’hui, les nouveaux traitements élargissent mon horizon et mon espérance de vie et j’ai rejoint le groupe nantais de « David et Jonathan » qui propose un accueil chrétien aux gais et lesbiennes. J’y retrouve la même possibilité d’échange et de partage en liberté, mais plus du tout la bienveillance que l’Eglise manifestait à l’égard de Sida Espérance Lumière, et j’en viens à me demander avec inquiétude si l’Eglise ne préfère pas voir les homosexuels malades ou mourants plutôt que bien-portants et vivant en vérité avec eux-mêmes sans chercher à se travestir en ce qu’ils ne sont pas. Le péché majeur contre l’Esprit, c’est de se détester, de manquer d’estime de soi. Comment être chrétien sans s’estimer soi-même ? Comment aimer le prochain comme soi-même ? Est-ce que nous nous estimons suffisamment pour être capables d’être porteurs de paix et de feu autour de nous ? Aujourd’hui, la foi ne se transmet plus par adhésion à un ensemble de doctrines mais bien plutôt par embrasement. J’aimerais personnellement être du nombre de ces chrétiens déraisonnables et brûlants que notre époque attend, et c’est pourquoi j’ai beaucoup souffert du discours de condamnation et d’exclusion qu’ont tenu à plusieurs reprises les évêques de France à l’occasion des débats sur le P.A.C.S. (pour ne pas parler des propos ouvertement haineux de certains courant se chrétiens « bien-pensants »). Je n’y retrouve en aucune façon le regard du Christ que j’ai senti se poser sur ma vie et mon parcours personnel. Cela m’a beaucoup affecté, fait douter de ma place en Eglise et amené à suspendre les engagements que j’y avais pris (au sein du Catéchuménat, de la confirmation des jeunes, de l’animation liturgique…)
Mon souhait pour cette année de Jubilé où l’on remet les dettes, pardonne les offenses et libère des liens de servitude, serait de voir mon Eglise avancer vers sa mission essentielle qui n’est pas de dicter des règlements, ni de jeter des anathèmes, mais de faire connaître au monde le visage de lumière du Christ pour qui chacun a du prix et est aimé tel qu’il est.
Xavier