Passagère clandestine

Témoignage à l’occasion du Jubilé 2000

« Ecrire les actes des chrétiens d’aujourd’hui « , telle est l’invitation lancée par notre évêque, alors, même « passagère clandestine », j’ose y répondre.

« Si je m’écoutais, je m’entendrais » écrit Jacques Salomé, qu’on ne présente plus, je pense.

J’en ai mis du temps à m’entendre vraiment ! A presque 53 ans, célibataire, je commence enfin à me reconnaître homosexuelle.

J’ai eu une enfance et une adolescence chrétienne ; puis, je me suis éloignée de l’Eglise au début de l’âge adulte, pour mieux la retrouver vers 28 – 30 ans, en y vivant alors de façon très profonde ma confirmation.

Confirmation qui a été et reste le soubassement de ma vie et de mes engagements tant profanes que religieux : catéchèse pendant un certain temps dans l’établissement où j’enseigne – Amnesty international – Syndicalisme – participation à divers mouvements d’Eglise, et bien sûr ma vie professionnelle.

Cette vie bien remplie a longtemps occulté les questions qui auraient pu surgir en moi sur ma vie affective et sexuelle, d’autant plus qu’au hasard de ces activités se sont nouées de durables et profondes amitiés, qui ont longtemps suffi à mon équilibre.

Etudiante, j’avais bien vécu une rencontre avec un copain d’études, aussi immature que moi là l’époque, et qui s’était donc très vite arrêtée. Et le temps a ainsi passé jusque vers mes 30 ans où, là, ayant envie de rompre ma solitude, et ne pensant donc alors qu’au mariage – mais me trouvant dans un entourage masculin restreint – j’ai choisi de m’inscrire à une agence matrimoniale ; Démarche riche, tant du point de vue de ma réflexion personnelle que des rencontres, mais qui n’a pas abouti. Il est vrai qu’au même moment, je vivais une amitié féminine très forte, mais dont j’ai mis un certain temps à percevoir le caractère homosexuel sous-jacent. Une fois perçu cet aspect des choses, étant donné le souhait de cette amie que cela ne se concrétise pas, je me suis contentée d’une réflexion intellectuelle, profonde mais solitaire et qui tenait finalement l’homosexualité très à distance de moi-même. Puis, je me suis enfoncée dans une longue, très longue indécision jusqu’à ce que la réalité me rattrape, de façon extrêmement violente.

Et depuis 4 ans, j’ai donc enfin entamé ce chemin vers moi-même, et vers les autres aussi, dans les larmes et la souffrance, mais aussi dans la paix et la joie qui naît parfois de rencontres fortes et vraies, tant avec certain(e)s de mes ami(e)s, qu’avec d’autres qui sont rendu(e)s plus loin que moi-même sur ce difficile et abrupt chemin ; avec l’écoute d’un professionnel aussi, « confesseur laïc » comme il s’est défini lors ‘un de nos entretiens, grâce à qui j’ai pu me désengluer de la culpabilisation outrancière dans laquelle je me débattais, culpabilisation sans doute liée à ma propre histoire, mais aussi, et beaucoup, à la méconnaissance profonde de l’homosexualité dans l’église institutionnelle.

Des avancées notables se sont produites dans la pastorale des divorcés, divorcés-remariés. Quand verra-t-on enfin de telles avancées dans la pastorale de l’homosexualité ? Quand cessera-t-on d’ajouter la souffrance à la souffrance ? (Je parle bien sûr des prises de position « officielles »).

Pour terminer, en cette année jubilaire où on a ouvert symboliquement tant de portes d’églises, j’ose, comme Martin Luther King, faire un rêve : dans nos églises enfin largement ouvertes à toute l’humanité des hommes et des femmes d’aujourd’hui, chacun et chacun est accueilli(e) en Fils et Fille de Dieu, avec ses richesses et ses carences, dans la Joie et la Fraternité…et plus personne ne se sent « passager(e) clandestin(e) » !

Thérèse

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