Témoignage d’une maman à l’occasion du Jubilé 2000
Depuis 11 ans que j’ai appris l’homosexualité de mon fils, il va sans dire que j’ai beaucoup cheminé.
Lorsque notre fils s’est confié à nous, il revenait d’une fugue de 4 jours pendant laquelle il avait voulu se supprimer, mais qu’il ne pouvait s’y résoudre (mon mari est décédé environ 20 mois après cette confidence).
A suivi une longue période de désespoir chez lui avec 2 tentatives de suicide. Nous étions là, si maladroits, si ignorants, si malheureux pour lui !
Bien que croyante et pratiquante, à cette époque, je dois avouer n’avoir eu aucune problématique par rapport à la « morale religieuse ». Une seule chose importait, « notre fils ». Nous n’avons vu que son vécu dans la solitude la plus extrême depuis sa post adolescence : 7 à 8 ans « seul » avec son face à face à la différence qui l’habitait et qu’il ne nommait pas au début.
Plus tard, après le décès de mon mari (qu’il a fallu pour nous tous accepter dans sa brutalité), je me suis ouverte à un prêtre qui m’a accueilli. «Pas de réponse au pourquoi…accepter…mais ne pas en parler » ! Un autre prêtre ami m’a tenu à peu près le même langage (avec toujours beaucoup de gentillesse). Je n’attendais pas de réponse…mais une écoute vraie et non de dire de se « taire », alors que pour nous, parents, le regard des autres est source de souffrances ainsi que les interrogations sur la vie sentimentale de nos enfants. Une vigilance, un repli, une violence intérieure nous habite, à laquelle s’ajoute une immense culpabilité : qu’avons nous mal fait, pas fait ? Les mères sont toujours « cause », c’est bien connu ! Il faut alors accepter, aimer sans conditions (il faut beaucoup de temps), je dis bien sans conditions, faire fi de notre imaginaire (j’entends par imaginaire, tout ce que nous véhiculons par rapport au sida, à la pratique sexuelle etc…), faire taire notre culpabilité, aimer cet enfant (grand adulte souvent) comme tout enfant avec les qualités et les défauts de tout un chacun : sa sexualité ne détermine pas son identité, elle est juste « différente ». Il n’en a pas fait le choix, ce n’est pas un pervers, pas un handicapé, il n’est pas un ratage !
J’ai lu, beaucoup lu au sujet de l’homosexualité (livres de psys, de moralistes chrétiens, de philosophes etc..). J’ai approfondi ma foi par des formations de laïcs dans un groupe d’A.C.I.
En même temps, j’ai connu une association de parents, familles et gays et lesbiennes. Les témoignages rencontrés de part et d’autres m’ont beaucoup apporté. A travers les souffrances de ces jeunes et moins jeunes, on retrouve la peur de perdre l’amour des parents, de la famille, de la fratrie. Une peur qui empêche de s’accepter, de vivre « libre », qui en amène beaucoup à la dépression (dépréciation dépressive de soi, pourrait-on dire), voir souvent à des tentatives répétées de suicides ou a des suicides.
Depuis, j’ai rencontré un prêtre qui m’a amené à faire ce témoignage. Mon souhait serait que « l’Institution » Eglise accepte de changer ou plutôt d’arrêter parfois son regard sur certains de ses enfants qui ne veulent pas la quitter, regard souvent de suspicion, de malaise, et surtout de méconnaissance.
« Nous devons accueillir la personne homosexuelle » est-il dit. Oui, mais accueillir sans avoir de réponses, accueillir mais surtout « écouter » et accepter de n’avoir rien à répondre…surtout ne pas répondre par une parole moraliste… Il y a des silences si riches.
Tout ce vécu, ces recherches, ces doutes rendent ma foi bien chaotique, mais je tiens bon ! Car dans ce domaine que nous venons partager, que nous les mères, les parents devrais-je dire, chrétiens, nous avons le devoir de nous exprimer. Nous devons en créer l’opportunité.
En ce qui concerne en A.C.I., j’ai pu le faire au moment du PACS ( merci à mon aumônier). Les retombées ne furent pas spectaculaires mais profondes et réfléchies, ce qui me conforte dans ce chemin. Souvent, dans les synodes, les récollections etc… on disserte « sur » ou « de », mais « sur » et « de » ne sont jamais participants. Il ne peut donc se faire connaître dans toute son altérité.
A l’occasion de la manifestation anti-Pacs, j’ai eu très mal en tant que mère et chrétienne (les deux à égalité). Ces banderoles injurieuses, excluantes sont-elles dignes d’être énoncées qui plus est par des personnes se référant au Christ. (ce n’était pas le mien, je ne l’ai vraiment pas reconnu). Lui a dit qu’il était venu pour tous, plus particulièrement pour les exclus, les blessés de la vie…Pour le partage du pain et du vin, il a aussi dit : « Faites ceci en mémoire de moi ». Il n’a pas ajouté sauf pour les homosexuels, les divorcés remariés etc… Pas d’exclusions chez Lui !
Entre ma foi et le religieux, j’ai appris, non sans cassures, à ne plus avoir d’état d’âme. Dieu m’a doté d’un discernement et je fais « au mieux » avec lui. Christ est vivant en chacun de nous. Il est là au milieu de nos imperfections, de nos sexualités, de nos bonheurs. Le Père par Lui en l’Esprit nous dit et redit qu’il nous aime…tous sans exception !
J’aurais aimé qu’après la manifestation, les Evêques de France qui en avait trouvé la « cause bonne » puissent après exprimer leur « REGRET » pour toutes les outrances et malveillances de cette journée. RIEN ! SILENCE ! (Année du Jubilé….année du Pardon ?) Elle fait si bien notre Eglise dans d’autres domaines.
Quelle morale en jeu ? Il n’y a pas de « choix », pas de bien ou de mal. Est-ce si difficile d’accepter que l’on peut être du Christ et homosexuel ?
Entre le « bûcher » et le « prosélytisme », quel vaste champ de vigne à cultiver. En cette année du jubilé, venez, vous, nos pasteurs, nous rejoindre dans la vigne. N’en soyez pas que les gardiens, regardez vivre les ouvriers…oui, mais travaillez avec eux ?
Dieu est avec nous. Qu’avons-nous à craindre les uns des autres ? Ce Dieu est avec…mais aussi et surtout « pour » nous tous ! Parlons, écoutons, échangeons ! Convertissons-nous les uns les autres et nous nous reconnaîtrons bien un jour en Christ.
M. (mère d’un fils de 32 ans)