La différence, une bonne nouvelle ? Qu’est-ce qui nous dérange ?

Comment mieux accueillir les personnes homosexuelles et leur famille au sein de nos communautés chrétiennes, paroisses, mouvements, aumôneries ? Tel est l’objet du parcours qui vient de rassembler près de 200 personnes à Bressuire et à Poitiers, en huit soirées.

Nous reproduisons ici l’article paru dans Eglise en Poitou n°227 du 22 décembre 2014.

Tandis qu’en octobre s’ouvrait à Rome le synode des familles, l’équipe diocésaine de la pastorale des familles lançait un cycle sur l’homosexualité. En ouverture, un film : « Le ciel sur la tête ». (R. Musset. 2006) C’est l’histoire de parents qui découvrent soudain l’homosexualité de leur fils aîné. Après la stupeur, l’apparente acceptation, le couple se réfugie dans la honte et le silence, avant de se déchirer. « Qu’avons-nous raté ? » La famille frise l’explosion. « Dans cette histoire, tout le monde souffre, » remarque une mère à l’issue de la projection. « C’est le silence qui fait mal. Il faut parler » commente un autre. La réflexion s’engage.

Trois semaines plus tard, les salles de Bressuire et de Poitiers sont pleines pour écouter Claude Besson, de Nantes. Riche de son expérience de formateur chez les Lassaliens, le président de l’association « Réflexion et partage » dénonce quelques fausses idées encombrantes. Il appelle surtout à surmonter la peur qui empêche la rencontre de l’autre. Évoquant l’inlassable hospitalité de Jésus qui aime sans juger et donne sa chance à chacun, il fait l’éloge du dialogue : le Christ apprend à se laisser traverser par la parole de l’autre, par ce qu’il vit, ses souffrances, ses joies, ses espérances. La parole simple de l’orateur libère la parole : plusieurs participants témoignent de leur rude parcours de vie.

N’ayez pas peur !
A la 3ème soirée, de nouveaux parents nous rejoignent. Nous vivons un tournant. « J’ai peur de ce que je vais entendre, » dit une maman craintive. En petits groupes, des échanges respectueux permettent un apprivoisement réciproque. Une même question rassemble : « M’est-il déjà arrivé de me sentir différent quelque part ? Comment ai-je réagi ? » Des souffrances s’expriment mais plus fort que tout, l’élan de fraternité. Dans un bref topo, Lorraine Content explique d’un point de vue psychologique pourquoi la différence fait si peur. Passant par la genèse du développement de l’enfant, elle pointe l’insécurité, la difficulté de consentir à ses propres manques et cite le poète allemand Rilke : « Tous les dragons de notre vie ne sont-ils pas des princesses qui n’attendent que le moment de nous voir beaux et courageux ? » Isabelle Parmentier ouvre l’évangile. « Qui a péché pour que cet homme soit né aveugle ? » interrogent les disciples.  Lui ou ses parents ? » – « Ni lui, ni ses parents, répond Jésus, mais c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. » (Jean 9, 2-3) La soirée s’achève par une prière au Père de miséricorde.

« Ce n’est pas contagieux ! » (Mgr Wintzer)
De nombreux messages parviennent par mail à l’équipe diocésaine. Paroles de reconnaissance, d’encouragement. « Vous m’avez emmenée vers les périphéries dont parle le pape François. Il ouvre toutes grandes les portes de l’Église ! » Un homme homosexuel a relu saint Jean chez lui. « Je me suis d’abord dit que ma particularité n’est pas une « maladie » que le Christ viendrait guérir. Et pourtant, si la guérison était d’un autre ordre ? De l’ordre du rapport aux autres, de la reconnaissance par les autres. Ce qui est surprenant, c’est l’attitude des gens qui  côtoient l’aveugle. Ils se demandent si c’est bien le même homme que celui qu’ils avaient vu avant. Je sais que je serai guéri lorsque j’aurai fait la vérité avec ceux que je côtoie. Je serai sans doute alors différent. »« Bravo et merci d’avoir réussi à faire se réunir toutes ces personnes dont la rencontre était hautement improbable, écrit une femme. Qui aurait pu imaginer ? Que nos mondes si éloignés en apparence puissent se rejoindre à travers un échange verbal, des témoignages aussi poignants, intimes et finalement une expérience de rencontre profondément humaine, pleine d’écoute et de bienveillance. J’en suis ébahie et bouleversée. » Des parents écrivent leur gratitude : « Avec notre fils homosexuel, nous  avons découvert de l’intérieur une réalité qui assomme, puis bouscule et finalement ouvre le cœur. Grâce aux personnes que Dieu a mises sur notre chemin, nous sommes devenus capables d’accueillir l’incompréhensible et d’aimer notre fils avec beaucoup d’admiration : notre amour en a été rafraîchi et notre relation renouvelée. Nous y reconnaissons le Souffle de l’Esprit. » Treize diacres au total ont participé aux soirées, la plupart avec leur épouse. L’un d’eux écrit : « Hier soir, j’ai la prétention de dire que nous avons assisté, C. et moi, à une rencontre importante, voire capitale pour notre diocèse et encore plus pour l’Église. »

Penser ensemble l’avenir
Il reste un long chemin à parcourir. La 4ème soirée envisage des suites. Quelles initiatives prendre en diocèse pour changer les choses concrètement dans nos communautés et accueillir des familles en attente ? Trop de peurs reposent sur l’ignorance. Des groupes de prière, des lieux d’écoute et de paroles entre parents concernés par l’homosexualité d’un enfant, pèlerinages d’un jour, etc. peuvent voir le jour, de telles initiatives existent déjà dans d’autres diocèses. L’équipe diocésaine est prête à accompagner ces projets. Ils ne naîtront pas sans l’appui des chrétiens et des nouvelles paroisses. Le cycle peut être remonté à la demande. Nous voulons aussi approfondir les liens avec les associations. La participation de membres de « David et Jonathan » et de « Contact », est une joie. Isabelle participe depuis un an aux « Apéros Arc-en-ciel » organisés par les associations LGBT, chaque premier vendredi du mois, au Toit du monde, à Poitiers. Suite au synode de Rome, poursuivons la réflexion. Et si, en cette année saint Marc, nous formions des groupes mixtes pour lire ensemble cet évangile ? Ensemble. Entre frères.

« Quand tu rencontres quelqu’un,
Ne commence pas par l’attirer sur TON terrain.
Tu dois d’abord jouer en déplacement,
Tu dois rencontrer l’autre sur SON terrain.
Cherche ce qui le fait vivre, ce dont il aime parler,
Ce qui le préoccupe, ce qui l’émerveille,
Et pars de cela pour nouer un contact.
La réciprocité viendra après
Il te rejoindra sur TON terrain… »
(Fraternité Charles de Foucault d’Afrique)

Avec l’équipe diocésaine,
Isabelle Parmentier

 

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