Dieu m’a révélé son visage à travers une relation homosexuelle

Témoignage à l’occasion du Jubilé 2000

Je suis chrétien et homosexuel et j’ai aujourd’hui 48 ans.

J’ai découvert mon homosexualité aux environs de l’âge de 15/16 ans. A l’époque, je sortais avec beaucoup de filles car je n’arrivais pas vraiment à comprendre pourquoi j’étais attiré par les hommes. Je me suis souvent dit que ce n’était qu’un passage. Aussi, pendant plusieurs années, j’ai joué le double jeu : j’avais un ami que je voyais de temps en temps et je continuais à sortir avec des filles pour faire comme les copains et aussi pour me prouver à moi-même, peut-être, que j’étais comme les autres. J’ai même vécu pratiquement 1 an avec une fille, Sabine, avec qui j’avais envisagé de me marier. Mais au fond de moi-même, je percevais que je n’étais pas dans la vérité de mon être. Je crois que j’ai tout essayé pour me défaire de cette homosexualité qui me collait à la peau, mais j’étais bien profondément homosexuel. A l’époque, je ne peux pas dire que je croyais en Dieu. Ce n’étais pas du tout une préoccupation.

Un jour, en 1975, au cœur d’une relation homosexuelle, il y a eu en moi un véritable retournement, une véritable conversion un peu à la manière de St Paul sur le chemin de Damas. J’ai re-découvert Dieu qui me révélait que son nom était AMOUR. Cela a opéré un changement radical dans ma vie, non pas au niveau de l’homosexualité, mais je redécouvrais la foi et je désirais profondément donner ma vie à Dieu. Oui, Dieu m’a révélé son visage à travers une relation homosexuelle.

Après un long cheminement et tout un ré apprentissage de la foi, je suis entré dans la vie monastique. J’y ai découvert que mon homosexualité n’était en rien un obstacle. C’est même peut-être à cette période que j’ai le plus accepté mon homosexualité, tellement l’accueil des responsables de la communauté a été réel, sans jugement, m’aidant au contraire à m’accueillir tel que j’étais et me révélant que Dieu m’aimait avec mon homosexualité.

Aujourd’hui, je vis mon homosexualité et ma vie chrétienne sans tension, sachant que l’homosexualité est la structure profonde de mon être. Je suis un chrétien engagé et cette lumière de la foi découverte en 1975 ne me quitte plus.

Si je vis sans tension profonde, je vis néanmoins un peu dans la clandestinité, tellement le regard sur l’homosexualité est négatif, parfois intolérant et blessant. Cette clandestinité m’empêche de vivre une certaine stabilité. Un certains nombres d’amis, hommes et femmes non homosexuels, connaissent ma vie et l’acceptent, mais je dois avouer que c’est une minorité.

J’ai eu la chance et la grâce de rencontrer dans ma vie homosexuelle bon nombre de personnes très différentes : amis ayant toujours vécu dans le monde gay, moines, religieux, prêtres, hommes mariés. Ces diverses rencontres m’ont révélé qu’il y avait beaucoup de souffrances et que bien des personnes vivaient leur homosexualité dans la clandestinité. Pourtant, à travers ces rencontres, j’ai souvent découvert le visage de Dieu, d’un Dieu aimant m’invitant sans cesse à aimer comme le Christ nous aime. Je peux témoigner que la rencontre d’un homme marié, assez âgé, très différent de moi tant dans ses convictions politiques, sociales, chrétiennes et dans sa manière de vivre l’homosexualité, m’a fait découvrir et expérimenter un peu de ce que voulait dire l’Amour gratuit de Dieu et je reprendrais assez bien cette parole de St Bernard pour dire cet amour : « L’amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L’amour ne cherche pas hors de lui-même ni sa raison d’être, ni son fruit : son fruit, c’est l’amour même. J’aime parce que j’aime, j’aime pour aimer » (Sermon de St Bernard sur le Cantique des Cantiques).

Ce qui m’aide à vivre, c’est d’abord la prière, notamment la prière des psaumes chaque jour, qui me révèle l’amour infini de Dieu et qui m’engage à aimer toute personne rencontrée telle qu’elle est et à agir pour vivre et faire vivre ceux que je rencontre. Je suis donc engagé dans divers mouvements d’Eglise :

J’essaie de devenir chrétien chaque jour davantage en essayant de vivre selon les valeurs évangéliques de justice, de partage, de respect, et d’amour.

Mon homosexualité liée à une certaine souffrance inévitable m’aide à mieux comprendre le mystère qu’est toute personne humaine, le vivant moi-même dans ma chair. C’est aussi un appel pressant à accueillir toute personne qui a des difficultés de quelque sorte qu’elles soient et à ne pas juger, mais à essayer de comprendre pour mieux aimer. Dieu a ouvert une brèche en Jésus Christ, incarné dans l’histoire et il a sans cesse posé des actes pour rendre la dignité à tout être blessé.

« J’ai aussi mal à mon Eglise » pour reprendre une expression connue. En effet, j’y suis engagé mais je constate qu’elle est souvent aliénée soit par les rites, soit par des règles de discipline loin des valeurs évangéliques, sans toujours tenir compte des personnes. Mais là encore, je crois que l’Eglise est composée de personnes avec aussi leur mystère. Je suis donc convaincu qu’il ne faut jamais baisser les bras et dire sans cesse ce que je pense avec détermination, certain que l’Esprit habite au cœur de tout être humain et qu’ensemble, nous pouvons avancer dans la vérité de l’amour.

 

André

 

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