Le mystère longtemps interrogé de ma vocation s’est un jour éclairci.
J’ai vécu 46 ans à côté de moi-même « parce que je suis chrétienne » et j’ai choisi de vivre évangile en contradiction du monde, parce que je suis homosexuelle et que j’ai refoulé et méprisé cette réalité de mon être toute ma vie.
« La sexualité est un péché sauf dans le mariage ». Imprégnée de cette certitude d’éducation et désireuse de ne pas déplaire à Dieu ni d’être exclue de son « plan d’amour », malgré mon service démesuré aux autres et ma joie de croire, la solitude et la blessure affective (avec son lot de méconnaissance et de fausses croyances) ont réussi à me désespérer. C’est dans ce rejet de moi-même et ce déni, ce refoulement complet, qu’à 38 ans, malgré ma non-attirance, j’ai accepté un mariage (avec un « gentil garçon chrétien !) par défaut, par dépit, par erreur, par désespoir.
Ce fut un mariage de mort, une relation contre ma nature, je subissais et vivais des actes intrinsèquement désordonnés et j’étais en pleine déviance ! Voilà ma réalité ! Cette « alliance parfaite homme-femme-Dieu » fut pour moi ma désolation, une abomination.
Étais-je dans le « plan d’amour de Dieu » en essayant en vain de réaliser une vie de couple complètement contre moi-même ?
« La différenciation sexuelle est source d’un amour fécond ». Rien ne pouvait naître de ce faux mariage, de ce pseudo amour. Tout allait vers la mort, à commencer par ce repli mortel sur moi, cette autodestruction ; j’ai tenté de mourir péchant contre l’espérance et contre la vie – me jugeant incapable d’aimer !
Je m’accrochais au « Chemin, Vérité et Vie du Christ », moi qui souffrais, en errance, dans le mensonge et morte-vivante ! Et parce que j’ai failli mourir, j’ai dû impérativement me libérer de mes servitudes et de ce sombre et faux chemin. Des années de clairvoyance ont suivi, de « remise debout », avec l’aide d’autres êtres humains passés par là, avec un travail psychologique et spirituel intense, j’ai pu me réapproprier la « part perdue de mon être » et vivre enfin unifiée, rassemblée.
L’acceptation fut ma déculpabilisation et ma libération !
« Homme et femme Dieu les fit ». Enfin j’étais femme et mon amour pouvait respirer plutôt que me suffoquer ! J’étais sauvée ! (Il était venu sauver ce qui était perdu). Etre unifiée nous relie au Divin qui nous habite et nous fait UN, réalisant la promesse : « Tu aimeras le Seigneur, Ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton corps et de tout ton esprit ».
J’étais enfin moi-même, à ma place, pleinement humaine et sans mépris pour la créature que je suis, et pleinement chrétienne, bénie de Dieu avec tous mes mystères (qui, acceptés, deviennent des grâces !) La rencontre de la femme que j’aime (à 46 ans !) et avec qui je vis avec fidélité depuis 15 ans, fut une joie, un vrai chemin de sérénité, de relation vraie et de Vie Véritable
Quelle belle louange au Créateur,
Quelle belle réponse au Ressuscité, Que nos pas qui emboitent les siens sur son chemin de Vérité et de Vie ! Vivre un Amour d’une telle valeur élève et illumine. La bienveillance de notre Amour nous approche de la bienveillance inconditionnelle du « Tout autre ». Le processus de conversion (tourner les yeux peu à peu vers sa véritable identité d’enfant de Dieu et d’humain unifié) m’a transformé en un être habité, fécond, libre, entier.
Aujourd’hui, je me sais et me sens sauvée de « tout ce qui m’empêchait de vivre cette vie en abondance » offerte par notre Créateur, cette joie pour laquelle nous sommes créés !
Ma joie de croire n’a pas bougé.
Ma place dans l’Eglise reste sacrée. Comme est sacrée l’affection de la femme qui m’aime.
Qui me séparera de l’amour du Christ ? Réaliser qu’être homosexuelle n’est pas un « péché » (rater sa cible) et que vivre sa réalité, c’est trouver sa vocation unique et personnelle, qu’est, au fond, celle de tous baptisés. « Etre le sel de la Terre et la lumière du monde ».
Je puis dire, aujourd’hui à 60 ans, qu’être une femme catholique homosexuelle n’est plus une impasse mais un chemin.
Sophie