Tous les discours, les polémiques engendrées autour de la question du mariage pour tous les couples et de l’homoparentalité révèlent que bien des personnes sont ignorantes de la réalité homosexuelle aujourd’hui et de ce qu’est l’homosexualité…
Certains réclament un débat sur le projet de loi, mais n’y a-t-il pas en préalable un débat sur l’accueil des personnes homosexuelles dans la société et dans l’Eglise catholique. Un journaliste me disait à propos de mon livre [1] : « Il est une nécessité pour ouvrir un débat sur la réalité des personnes homosexuelle, un débat qui n’a pas eu lieu…. »
A la fin de leur livre [2] , Serge portelli et Clélia Richard note ainsi qu’ « avant même d’’aborder ces questions essentielles (celle du mariage et de l’homoparentalité), encore faut-il dans un premier temps que la société admette l’homosexualité en son sein… (…) … Dès lors que l’homosexualité est admise en tant que telle, que la société s’est débarrassée de tous les clichés et préjugés, y compris ceux que les homosexuels eux-mêmes contribuent parfois à entretenir, une vision apaisée de ce choix de vie peut faire consensus. Nous n’en sommes malheureusement pas encore là. En effet, l’homosexualité reste encore fortement assimilée à une sexualité débridée et voyante. » [3]
En effet, bien des préjugés, sont encore ancrés dans les représentations mentales, souvent par manque de connaissance et d’information sur le vécu des personnes. et aussi par le refus de la différence qui dérange.
Je crois que ce manque de connaissance, cette ignorance amène la peur, et la peur engendre l’exclusion, le mépris, les amalgames, les conflits parfois, les ghettos, et finalement le désir de se débarrasser de l’autre.
La peur, vous le savez, est mauvaise conseillère.
« De quoi parle-t-on lorsqu’il est fait allusion à l’homosexualité ? Si la question sort progressivement du silence, la vision de l’homosexualité reste pour la plupart de nos contemporains une vision simpliste » [4]
Il est donc important de rappeler quelques réalités fondamentales :
La genèse de l’homosexualité demeure toujours inexpliquée. Des tentatives d’explication multiples sont apparues depuis le 20ième siècle. Elle a d’abord été classée comme une maladie mentale et ce n’est que récemment (1990) qu’elle n’est plus répertoriée dans les maladies mentales par l’Organisation mondiale de la santé. « Cette classification négative a cependant laissé des traces et rend toujours difficile l’acceptation de cette différence tant de la part des personnes hétérosexuelles qu’homosexuelles.
Une prolifération incroyable de tentatives d’explication est apparue depuis le XXe siècle. Pendant de très nombreuses années, ce furent les explications d’ordre psychique qui se sont affrontées, souvent à partir de Freud. Des propos réducteurs ont été employés, et le sont encore, tels que l’absence dramatique de l’affectivité du père, une présence maternelle excessive, etc. » [5]
Bien des chercheurs se sont affrontés pour savoir si l’orientation homosexuelle était innée ou acquise. A l’heure d’aujourd’hui, ce que l’on sait, c’est que l’orientation sexuelle résulte d’un long processus du développement personnel, combinant de l’inné et de l’acquis. Elle se construit sans pouvoir cibler précisément ce qui relève du volontaire ou du conscient.
Seule une vision pluridisciplinaire peut aider à approcher la diversité et la complexité des situations. Ceci explique que le pédopsychiatre Stéphane Clerget a élargi la génétique ou la biologie à l’histoire, la sociologie, l’étiologie, l’anthropologie dans son ouvrage « Comment devient-on homo ou hétéro ? »[6]. L’auteur balaye les idées reçues et révèle l’un des plus grands mystères de l’homme ou de la femme, le désir amoureux et sexuel. Faisant preuve d’un regard objectif et positif, il explique qu’être homosexuel, n’est pas la conséquence d’un événement traumatique, d’une mauvaise éducation, d’un problème génétique. Ce n’est donc pas le résultat d’un « ratage », mais une des formes possibles, minoritaire certes, mais différente de vivre sa sexualité.
Il est important aussi de réaffirmer que l’orientation homosexuelle n’est pas un choix (unanimité des psys dans ce domaine)….. et que 2 personnes élevées, si cela est possible, de la même manière, dans le même environnement, d’une manière parfaitement identique, va faire naître des personnes différentes, (constat dans les fratries) et peut-être avec des orientations sexuelles différentes.
De manière générale, l’orientation homosexuelle est vécue comme un donné de l’existence, et non comme un libre choix. On ne décide pas un beau matin de devenir homosexuel. « Les témoignages entendus viennent confirmer ces recherches : dans le monde occidental, 95 % des hommes homosexuels déclarent découvrir – et non choisir – leur orientation sexuelle. En fait, contrairement à une opinion répandue, l’orientation homosexuelle n’est pas le résultat d’un choix personnel ou d’un simple trouble familial.
Quelle personne sensée, se découvrant une attirance pour une personne de même sexe, n’a pas cherché d’abord à demeurer dans la norme sociale. Les enquêtes chez les jeunes indiquent que la première relation sexuelle des personnes homosexuelles se passe souvent avec l’autre sexe. Le passage à l’acte est comme une vérification liée à la volonté de tester une identité sexuelle problématique. »[7]
L’orientation homosexuelle n’est pas non plus liée à de « mauvaises » influences que le sujet aurait eues à l’adolescence. On ne devient pas homosexuel parce que, à l’âge de l’enfance ou de l’adolescence, on aurait été séduit par une personne homosexuelle ou par une brochure ou un film. Ce cliché demeure encore de nos jours. Il est absurde. Qui persévérerait toute sa vie dans une orientation homosexuelle si elle découvre lors d’une expérience que ce n’est pas sa tasse de thé. Or, c’est parfois la première réaction des parents lorsqu’ils découvrent qu’un de leurs enfants est homosexuel. On ne « contamine » que ceux qui sont contaminables. Si l’hétérosexualité n’est pas « contaminante », pourquoi l’homosexualité le serait-elle ?
Rappelons-nous que la quasi-totalité des personnes homosexuelles aujourd’hui ont été élevées par des couples hétérosexuels. Un peu de bon sens permet de faire tomber bien des clichés et des préjugés qui génèrent, dans le débat actuel, de la discrimination et de l’homophobie, par manque de connaissance et d’information.
L’univers de la sexualité est complexe. Elle se comprend entre merveille, errance et mystère, souligne le philosophe Paul Ricoeur.
Cette complexité de l’humain nous dépasse et nous invite à beaucoup d’humilité.
Claude Besson
[1] Claude Besson, Homosexuel catholiques, sortir de l’impasse, éditions de l’atelier, septembre 2012, 144 pages
[2] Serge Portelli et Clélia Richard, Désirs de familles, homosexualité et parentalité, éditions de l’atelier, mars 2012, 206 pages
[3] Idem, p. 159-160
[4] Claude Besson, op cité, p.19
[5] Claude Besson, op cité, p.22
[6] Stéphane Clerget, Comment devient-on homo ou hétéro, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, octobre 2006, p. 428.
[7] Claude Besson, op cité p.24