L’abomination

Dans deux passages du Lévitique, un homme qui couche avec un homme est présenté comme une abomination Au chapitre 18, verset 22 : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme, ce serait une abomination. ». De même au chapitre 20 verset 13 : « Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombera  sur eux. »

Ces versets semblent sans appel et graves. Dans quel contexte se situent-ils ? Ils font partie d’un ensemble littéraire que l’on nomme « Loi de sainteté » qui dresse une liste de châtiments et de préceptes pour que le peuple d’Israël demeure saint en se détachant des comportements païens de ceux qui habitaient sur cette terre avant eux (Lévitique 18, 27).Ils devaient conserver leur propre singularité et préserver leur identité religieuse. « Rester à l’écart des gentils, voilà en quoi consistait la « sainteté » -singularité, différence, élection, consécration. Ils devaient être comme Dieu, imposant, différent, à part. Maintenir sa différence et sa singularité était l’essence même de la sainteté pour les anciens Hébreux ».[1]

Analysant l’ensemble des pratiques sexuelles interdites par la loi de sainteté, Daniel Helminiak poursuit en montrant que les relations sexuelles entre hommes sont prohibées pour des motifs religieux et non pour des motifs sexuels. Les relations homogénitales sont interdites parce qu’elles sont associées aux païens. Elles sont étrangères à l’ordre du monde tel que le conçoivent les juifs. L’auteur pour essayer de se faire comprendre, fait un parallèle avec l’interdiction de manger de la viande le vendredi pour les catholiques. A une certaine époque, « cette loi était si importante que sa transgression était un péché mortel, censé conduire en enfer. Et pourtant personne ne croyait que manger de la viande était quelque chose de mal en soi. Le péché portait sur une question d’engagement religieux : il fallait se conduire en catholique ».[2] De même, les rapports sexuels entre hommes sont interdits par le Lévitique, car ils signifient la transgression du judaïsme. Rien ne permet d’affirmer que ces actes sont moralement mauvais pour le Lévitique. « On n’y trouve rien qui permette de ranger l’acte sexuel en soi du côté du bien ou du mal. L’objection est la perpétuation d’une identité juive forte. La question en jeu est celle de la pureté »[3] Le mot pureté, dans les écrits bibliques, n’a pas le sens qu’on lui attribue aujourd’hui. Il signifie, ici, la conformité rituelle. Dans d’autres textes, il sera lié à l’idolâtrie.

Quant à Xavier Thévenot, il fait remarquer que les interdits du Lévitique baignent dans un climat de pureté rituelle, de sainteté, de lutte contre l’idolâtrie. Reprenant le terme « abomination » (To,Ebah) utilisé cent quarante deux  fois dans la Bible, il note que ce terme « cherche à exprimer la répulsion de Dieu pour tout ce qui lui est étranger, pour ce qui s’avère incompatible avec les lois fondamentales de son Alliance. Il est particulièrement employé à propos du culte des faux dieux (Deutéronome 7,25 ; 12, 31)» Les idoles ou fausses divinités sont nommées To,Ebot. La conduite homosexuelle est donc bien ici envisagée comme traduisant un comportement idolâtre parce que ce comportement est supposé être celui des nations environnantes […] La condamnation des actes homosexuels par le Lévitique porte donc d’abord sur l’idolâtrie [4]

Idolâtrie, impureté ou transgression d’une appartenance à un peuple, ces versets du Lévitique sont très situés et ne peuvent être utilisés aujourd’hui pour porter un jugement moral sur des actes homosexuels.

Extraits de Claude Besson, Homosexuels catholiques, sortir de l’impasse, Editions de l’Atelier, Paris, 2012, p72 et ss


[1] Daniel Helminiak, Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2005, p.75

[2] Id, p.78

[3] Id p.77

[4] Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne, Paris, le Cerf, 1985, p.221, 222

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