Le péché de Sodome : la violence et l’inhospitalité

Le récit de Sodome est le plus connu des récits considéré comme une condamnation de l’homosexualité. Il se trouve dans le livre de la Genèse, chapitre 19, versets 1 à 11.

C’est l’histoire d’un homme, Lot, qui a été nomade et qui vit dans la ville de Sodome. Chez les enfants du désert, l’hospitalité est sacrée. Lorsqu’il voit arriver deux voyageurs (deux anges, nous dit le récit biblique, c’est-à-dire deux envoyés de Dieu puisqu’au désert, tout voyageur est accueilli comme tel), il se précipite pour les accueillir dans sa maison pour la nuit. Ils n’étaient pas encore couché, poursuit le récit, que les gens de Sodome entourèrent la maison :
«Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions[1]. Lot sortit vers eux à l`entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui. Et il dit: Mes frères, je vous prie, ne faites pas le mal! Voici, j`ai deux filles qui n`ont point connu d`homme; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu`il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu`ils sont venus à l`ombre de mon toit. Ils dirent : Retire-toi! Ils dirent encore: Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu`à eux. Et, pressant Lot avec violence, ils s`avancèrent pour briser la porte. Les hommes étendirent la main, firent rentrer Lot vers eux dans la maison, et fermèrent la porte. Et ils frappèrent d`aveuglement les gens qui étaient à l`entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu`au plus grand, de sorte qu`ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte. ».[2]

La suite du récit nous dit que les anges visiteurs avertirent Lot que Dieu allait détruire Sodome sous une pluie de feu et de souffre. Et la ville fût détruite. Lot et sa famille devront fuir et, excepté sa femme, tous les siens seront sauvés.

A lire attentivement le texte, tous les exégètes aujourd’hui s’accordent pour dire que ce n’est pas la présumée homosexualité des habitants de Sodome qui va provoquer le jugement de Dieu, mais une agression collective, un acte de violence sexuelle gratuit, qui ne respecte pas le devoir de l’accueil de l’étranger et de l’hospitalité.

D’autres textes de l’Ancien Testament font allusion au péché de Sodome. Ainsi le Livre d’Isaïe parle d’absence de justice sociale (Isaïe 1,10 ; 3,9). Le prophète Ézéchiel insiste sur l’orgueil, la gloutonnerie, l’insouciance et le non secours du pauvre et du malheureux (Ézéchiel, 16,49). Dans toutes ces expressions, l’allusion au récit de Sodome condamne tout d’abord la violence, y compris sexuelle.

Un autre texte dans le livre des Juges au chapitre 19 confirme cette interprétation. Il raconte une autre histoire, de manière identique à celle de Sodome. Un Lévite avec sa concubine sont accueillis par un vieillard dans la ville de Guibéa. De même, des gens de la ville, « de véritables crapules », cernent la maison et demandent au vieillard de leur livrer le Lévite pour qu’ils le connaissent. Le vieillard refuse, leur offre sa fille mais les gens de Guibéa refusent. En définitive, le Lévite leur offre sa concubine que les hommes de la ville violent toute la nuit. En représailles, toutes les tribus d’Israël lèvent une armée et détruisent la ville de Guibéa. Ce récit, dans sa composition est très proche de celui de Sodome. Le viol est condamné dans les deux cas. Le point central des récits n’est pas lié à une orientation sexuelle, mais à une agression sexuelle qui souligne la dureté des gens de Sodome et de Guibéa ainsi que leur refus de l’hospitalité et de l’étranger.

De plus, les textes bibliques dans le Nouveau Testament qui font référence à l’épisode de Sodome, ne soulignent jamais l’homosexualité, ni d’ailleurs de violence sexuelle, mais le refus d’hospitalité : Matthieu 10,15 ; 11,23-24 ; Luc 9,51-56 ; 10,12 ; 17,22-37 ; Romains 9,29, etc. Seule, la lettre de Jude au verset 7 fait une allusion à Sodome avec une nette connotation sexuelle. Mais Daniel Helminiak, dans son étude sur ce passage, montre que Jude condamne le commerce sexuel avec les anges, non pas celui entre hommes [3]

Dans le Nouveau Testament, le péché de Sodome correspond de toute évidence au refus d’accueillir l’étranger et non au comportement sexuel. « On doit affirmer que, malgré la tradition ecclésiale, la pointe du récit n’est pas dans la condamnation de l’homosexualité. Cette pointe est très claire : il s’agit de condamner le refus d’hospitalité, refus qui touche directement à Dieu, d’autant plus que les hôtes sont des « anges » représentants de Yahvé. Ce qui est donc stigmatisé, c’est le refus de l’autre »[4]

Claude Besson, Homosexuels Catholiques, sortir de l’impasse, Paris, Editions de l’Atelier, 2012, p 75 et ss


[1] Le mot « Yada » (connaître) désigne en règle générale dans l’Ancien Testament le coït. « Connaître » pourrait être traduit ici par « avoir des relations sexuelles avec eux ».

[2] Genèse, 19, 4-11

[3] Daniel Helminiak, Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2005, p. 179 et ss

[4] Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne, Paris, Le Cerf, 1985, p. 217

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