Témoignage à l’occasion du jubilé 2000
J’ai été élevée (par ma mère et ma grand-mère, mon père n’était pas croyant) dans la foi chrétienne dont une des principales colorations étaient le sens du partage, de l’accueil, la prière simple et la fidélité quelques soient les épreuves.
A l’âge adulte, j’ai pu faire mienne la relation au Christ et vivre avec d’autres chrétiens des échanges divers, des parcours de formation, des engagements solidaires.
Ma vie professionnelle, fondée sur la valeur primordiale de la personne humaine et la nécessité de justice sociale, s’exerce dans l’accompagnement des personnes fragilisées, voire démunies, en situation ou risque d’exclusion. Je suis, en outre, extrêmement sensible et mobilisée à l’égard de toutes les violences (physiques, psychologiques, culturelles, économiques…) infligées de part le monde aux êtres humains, notamment aux fillettes et aux femmes qui, trop souvent, en sont les premières victimes.
Au sein de l’Eglise catholique, j’appelais fréquemment à cette vigilance.
Ma famille a traversé beaucoup d’épreuves. Depuis longtemps et de bien des manières, j’ai à soutenir les uns et les autres, à assumer des situations graves, que ce soit en urgence ou sur du long terme : sœur et nièces aux parcours très chaotique, et ma mère malade accompagnée pas à pas jusqu’à sa mort l’été dernier Dans ce domaine, entre autre, ma compagne dont je partage la vie depuis plusieurs années, m’a énormément aidée à tenir bon. Sa présence au quotidien donne sens, équilibre et apaisement à mon existence.
En tant qu’homosexuelle, je ne me suis jamais sentie accueillie en vérité par l’Eglise ou la société civile. Toute une réalité de mon être, de ma vie demeurait cachée, clandestine. Je trouvais cela très regrettable et douloureux, mais je m’en arrangeais…
Toutefois, à la faveur du débat sur le PACS, j’ai lu et entendu les déclarations et affirmations des représentants de l’Eglise (des Eglises) et de bien des chrétiens. Ces paroles publiques ne m’ont pas seulement blessées en profondeur, mais je les ai vécu comme des paroles meurtrières. Là où il fallait aider à vivre, briser les ghettos, les peurs, les rejets, inviter au respect, au dialogue et à la fraternité effective, c’est l’inverse qui s’exprimait. Ma présence dans l’Eglise devenait de ce fait intolérable. Je ne pouvais demeurer là où les personnes homosexuelles étaient regardées et définies de telle manière, là où elles n’ont pas réellement place à la table familiale.
Entendre qu’on est incapable d’accepter l’autre, alors qu’on a passé tant d’années à se battre pour que chacun soit respecté dans sa, ses différences quelle qu’elles soient. Alors que nos relations amicales, familiales, professionnelles ou amoureuses sont une constante exigence d’acceptation de l’autre dans sa singularité et sa liberté…
Entendre qu’il ne peut y avoir d’amour fécond dans l’homosexualité alors que de tout son cœur et de toutes ses forces, on s’est investit pour aider autrui à vivre, à reprendre espoir, pour accompagner jour après jour des personnes en souffrance, essayer d’être là, de prendre soin de ceux et celles qui croisent notre route.
Entendre que Dieu et l’Eglise aiment, bénissent, encouragent les familles sans jamais recevoir pour nous, qui ne pouvons pas entrer dans ce modèle, une parole d’accueil vrai et de reconnaissance du meilleur de nous-même.
Ne jamais entendre que, telles que nous sommes, nous sommes aimés et appelés à bâtir le Royaume.
Si j’ai pu ces derniers temps retrouver un peu d’espoir, c’est grâce à des personnes concernées ou non par l’homosexualité, grâce aussi à des groupes tel Eglise en Dialogue 44. Ils ont su se rendre proches, affirmer une autre parole que celle de l’Eglise officielle, et se montrer, chacun à leur manière, ouvertement fraternels.
M. 45 ans